Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre du Budget ;
Monsieur le Gouverneur de la Province du Haut-Katanga ;
Mesdames et Messieurs les Ministres Provinciaux des Finances et du Budget ;
Mesdames et Messieurs les responsables des Entités Territoriales Décentralisées ;
Mesdames et Messieurs les Partenaires Techniques et Financiers, membres du groupe inter bailleurs Finances Publiques ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués invités,
Nous voici réunis ce jour dans ce magnifique cadre de l'hôtel Pullman de Lubumbashi pour la validation de la stratégie de renforcement de la décentralisation financière. Il vous souviendra que lors de son discours de clôture de la huitième session de la Conférence des gouverneurs, son Excellence Monsieur le Président de la République s'adressant aux gouverneurs des provinces présents à ces assises et soulignant la nécessité d'une gestion financière provinciale et locale orthodoxes, avait instruit le gouvernement de la République d'accélérer en synergie avec les provinces, les travaux de finalisation de la stratégie de renforcement de la décentralisation financière, socle de toutes les réformes à entreprendre en provinces. En matière des finances publiques, ce document de référence qui sera au centre de nos échanges durant ces deux jours de travail, vise à conforter le processus de la décentralisation à travers la mise en place d'une organisation administrative rationalisée en phase avec un système de gestion des finances publiques efficace et basé sur les résultats.
Ainsi, les travaux qui démarrent ce jour consacrent l'aboutissement d'une série d'activités qui ont réuni les experts des ministères centraux concernés ainsi que nos partenaires techniques et financiers impliqués dans la réforme des finances publiques. Ce nouveau programme de gouvernance des finances publiques à l'échelle infra-nationale à laquelle est joint un plan d'actions opérationnel qui identifie les mesures des réformes prioritaires à mettre en œuvre à moyen terme, permettra sans nul doute, de garantir la mise en œuvre satisfaisante du processus de Décentralisation Financière.
En outre, il vise à promouvoir une approche standardisée de la gouvernance des finances publiques en provinces et des entités territoriales décentralisées. Mesdames et Messieurs, distingués invités, sans une gouvernance des finances publiques efficace, nos provinces et entités territoriales décentralisées ne sauront pas prendre en charge les compétences qui leur ont été transférées et in fine, elles ne pourront pas assurer le développement local tant attendu.
À ce jour, la gestion financière reste caractérisée, comme l'a dit le Ministre d'État, Ministre du Budget, pour la plupart de provinces, d'une part, par la faible mobilisation des ressources propres et propension à un endettement excessif et d'autre part, par le non-respect des procédures d'exécution de la dépense publique. Comment pourrait-il en être autrement quand l'on sait que nombre de provinces n'ont même pas de documents budgétaires et encore moins de plans de développement ?
En effet, la gestion de la fiscalité provinciale et locale est marquée par des faiblesses dans le mécanisme de recouvrement des recettes propres dûes au déficit des capacités de gestion des administrations fiscales décentralisées. Cette situation entraîne une forte dépendance des provinces et des entités territoriales décentralisées à la rétrocession des recettes à caractère national.
Je sais toutefois que la situation de transfert du central vers le provincial et le local est une source des frustrations permanentes. Cela est dû au caractère irrégulier des transferts et très probablement de leur insuffisance par rapport aux défis de développement.
Et cela malheureusement conduit à un endettement excessif des provinces, faisant ainsi peser des risques budgétaires évidents sur les finances de l'État. En matière des dépenses, l'exécution budgétaire reste marquée d'une part, par la non-observance des procédures d'exécution de la dépense publique et l'absence d'un dispositif automatisé retraçant l'ensemble des opérations des dépenses effectuées au niveau des provinces, et d'autre part, par la non-application de la législation en matière de la commande publique.
Permettez-moi ici de souligner que cette frustration bien que légitime devrait plutôt nous interpeller sur l'urgence d'améliorer notre manière de gérer les finances publiques tant au niveau national qu'au niveau provincial et local. C'est l'objet du présent atelier.
Il n'est pas normal en effet que des provinces n'aient pas de budget, il n'est pas normal qu'elles n'aient pas de plans de développement, il n'est pas normal qu'elles ne soient pas capables de mobiliser l'impôt local, mais la conséquence immédiate de cet état de fait, est qu'il devient normal qu'elles ne reçoivent pas le transfert des ressources qu'elles attendent, parce que l'expérience a prouvée qu'il serait difficile de demander à une Banque, à une institution financière quelconque de donner son argent à une entreprise, à une organisation qui n'a ni bilan, ni budget, ni capacité de générer les ressources, ni compte audité. Une Banque qui s'aventurait à donner des ressources à une organisation, à une entité, à une entreprise de ce profil-là, irait tout droit vers la faillite.
Cependant, notre responsabilité est de vous accompagner à relever ce défi. Voilà pourquoi je voudrais que ce document que nous allons valider ensemble soit l'occasion d'un nouveau départ, que nous puissions ensemble prendre l'engagement d'un réel partenariat pour donner un sens au transfert attendu à la lumière, à la hauteur des efforts entrepris de part et d'autre.
S'agissant du gouvernement central , ce n'est que 15 années après les derniers appuis budgétaires que nous avons pu renouer avec cette pratique d'appui budgétaire de nos partenaires, parce que nous avons engagé les réformes importantes, visant l'amélioration de la transparence et visant l'amélioration de l'efficience dans la dépense publique.
Certes, nous ne sommes pas encore au bout du rouleau, mais nos progrès manifestes ont permis de générer un niveau de confiance qui se traduit en accroissement de transfert de nos partenaires vers le budget central.
Je voudrai que le même esprit prévale entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux. Nous devons être des partenaires, nous devons regarder dans la même direction et nous devons nous appuyer mutuellement. Il n'est pas normal qu'un pays qui enregistre successivement 6% de croissance de son PIB, voit ses ressources centrales triplées en deux ou trois années, mais continue de voir ses ressources au niveau provincial baisser, alors que l'activité elle, est nationale et donc une partie de cette croissance se fait sur les territoires de ces provinces. Cela traduit tout simplement la faiblesse dans la mobilisation de l'impôt, quel que soit cet impôt, il doit aller en accroissement et ça doit être les résultats des réformes d'une action menée.
J'ai toujours déploré que dans les discussions avec les gouvernements provinciaux tout comme avec les assemblées provinciales, le seul point de départ a été, les transferts attendus du niveau central, nous n'avons jamais, en tout cas, très rarement eu l'occasion de discuter des questions de fond pour améliorer la mobilisation des recettes au niveau provincial, la transparence dans les affections budgétaires et la mise en œuvre des politiques de développement cohérentes et concertées. Cette grande faiblesse explique cette frustration et cette frustration sans action explique cette grande faiblesse.
Je voulais donner un petit exemple, lorsque le Chef de l'État a souhaité agir directement à la base sur les 145 territoires, des longues discussions ont eu lieu au niveau du gouvernement pour savoir qu'elle était la meilleure façon de s'assurer que ces investissements importants soient faits dans les meilleures conditions, délais et en sécurité.
Bien entendu, chacun avait des arguments à mettre en avant, les ministères centraux estimaient que c'était de leurs rôles de gérer les budgets dans leurs secteurs. Les provinces estimaient que c'était de leur responsabilité également puisqu'il s'agissait des territoires. Des territoires mêmes pensaient pouvoir gérer ces ressources parce qu'ils avaient en charge la gestion des territoires. Mais compte tenu de l'expérience, nous avons été amenés à bypasser, à contourner toutes ces ambitions pour confier ce programme de 145 territoires à trois agences fiduciaires en estimant que c'était la meilleure façon de garantir l'effectivité, l'efficacité et l'efficience dans la réalisation de ce projet d'investissement compte tenu justement, des erreurs et des faiblesses du passé.
Voilà un exemple qui montre que si nous avions des entités territoires capables de gérer efficacement et en toute sécurité des ressources, si nous avions des gouvernements provinciaux qui montrent leurs capacités à gérer les ressources, à disposer des plans d’investissements solides, si nous avions au niveau central, des ministères sectoriels capables de faire preuve de leur efficacité, au-delà de tout soupçon, et bien, c'est par ces canaux là que se mettraient en œuvre toutes ces dépenses comme le prévoit d'ailleurs la loi, mais le contexte politique, contexte administratif, nous a conduit à trouver des aménagements pour assurer l'effectivité des investissements. Au moment où nous parlons, ces investissements sont identifiables à l'unité près dans chacune des localités, leur suivi est assuré et des comptes sont rendus par les agences fiduciaires qui en ont été responsabilisées. Nous avons ainsi une meilleure garantie de succès, mais cela ne doit pas nous dispenser dans notre responsabilité, celle de nous renforcer pour être en mesure de respecter les entités prévues par notre cadre administratif.
Je disais donc que devant ce tableau peu reluisant, une démarche concertée entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux s'impose au sujet de grandes options des réformes des finances publiques.
Je pense que l'espoir est permis, et je souhaite qu'aucun sujet ne soit tabou. Il y a dans la problématique du financement des provinces, du financement des entités territoriales décentralisées, la question combien importante, de la rétrocession telle que prévue par la constitution, les fameux 40 % qui de mon point de vue ne sont pas adaptés à la situation, c'est un avis personnel, difficilement applicable. La preuve, c'est que ça n'a jamais été véritablement respecté depuis 2006.
Il faut trouver des aménagements pour que l'esprit de cette loi soit respecté, c'est-à-dire, que les provinces reçoivent effectivement des ressources pour leur développement. Il y a la question de la répartition de la fiscalité entre le niveau central et le niveau provincial, il y a une série de questions qui méritent d'être abordées, je voudrai qu'aucune question ne soit tabou, pour favoriser les échanges entre les deux échelons du pouvoir sur les questions majeures qui concernent la mise en œuvre des réformes, particulièrement les réformes des finances publiques, l'identification des principaux défis à relever et des principes de bonne gestion des finances publiques en provinces, ainsi que l'amélioration des relations financières intergouvernementales.
La stratégie de renforcement de la décentralisation financière que nous allons valider au cours de ces travaux, constituera à n'en point douter, une fois mise en œuvre, un levier important pour résorber toutes les faiblesses que nous venons de décrire et de surcroît viabiliser nos entités infranationales.
En ma qualité de président du comité de pilotage de la réforme des finances publiques, j'attends à cet effet la contribution de tous à l'amélioration de ce document qui, comme toute œuvre humaine, est perfectible. J'en appelle donc au sens de devoir de chacun d'entre nous ici présent, pour donner à la République sa toute première stratégie de décentralisation financière, traduisant résolument en actes, l'un des piliers constitutionnels de la gestion de notre État, à savoir : la décentralisation comme mode de gouvernance de proximité.
Je voudrai profiter de ces assises pour remercier les partenaires techniques et financiers, membres du groupe inter-bailleurs en finances publiques, dont l'implication et le financement en faveur des provinces et entités territoriales décentralisées à travers les nombreux projets et programmes, contribuent significativement à l'amélioration de quelques indicateurs pertinents de gestion des finances publiques. Je pense notamment à l'appui de l'USAID, en ce qui concerne le gouvernement et des finances issues du secteur minier au niveau local. Je pense qu'ensemble, en nous regardant en face avec franchise et en nous tenant la main dans la main, nous pourrons effectivement avoir un grand impact pour le bonheur de chacun des congolais et chacune des Congolaises.
Je souhaite de tous mes vœux, que l'accompagnement de nos partenaires se poursuive, et qu'ils profitent de l'excellente coordination des politiques entre le ministère du budget, le ministère des Finances et la Banque Centrale du Congo, notamment, afin que nous puissions éviter au maximum le gaspillage des ressources et le chevauchement d'initiatives.
Le plan d'actions étant le seul repère, les appuis des partenaires doivent être orientés vers les véritables priorités et suivant le principe de complémentarité, qui doit se refléter dans la cartographie des appuis des partenaires intervenants dans les provinces.
Je veillerai personnellement au respect de ce principe par tous les partenaires, et tous les projets et programmes d'appui au réformes en faveur des provinces seront soumis à des évaluations périodiques, afin d'apprécier les progrès accomplis.
C'est sur cette note d'exhortation, d'encouragement et d'espoir en vue de la mutualisation des efforts de l'ensemble des acteurs de la gestion des finances publiques, que je déclare ouvert l'atelier de validation de la stratégie de renforcement de la décentralisation financière en République Démocratique du Congo et je vous remercie pour votre aimable attention.
Nicolas KAZADI KADIMA-NZUJI
Ministre des Finances